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Pierre Bonnard,Terrasse à Grasse, huile sur toile, 68 x 73 cm, 1925.

Pierre Bonnard (1867-1947) découvre la lumière du Midi et plus particulièrement celle de la Côte d’Azur en 1904, en compagnie des peintres Édouard Vuillard et Charles Roussel. Il rencontre alors Paul Signac et Louis Valtat à Saint-Tropez. Si le Sud ne fut pas d’emblée son « pays d’élection », l’artiste y retournera régulièrement, louant des villas à Grasse, Saint-Tropez, Antibes et Cannes avant d’acheter, en 1926, une petite maison sur les hauteurs du Cannet avec une belle vue sur la Méditerranée.

Dans cette toile réalisée en 1925, Bonnard représente la terrasse du Cours, haut lieu de promenade situé à Grasse et aménagé entre le XVIIIe et le XIXe siècle. Le tableau est divisé en deux parties. La première, située sur la partie basse de l’œuvre, présente une route sur laquelle marchent trois personnages : un couple et une femme seule. Les passants traversent le tableau sans se soucier de l’artiste qui décide de les représenter encadrés par un mur jaune en arrière plan, telle une scène du théâtre de la vie. Ce mur a aujourd’hui été remplacé par un parking.

Photo aérienne du parking à l’emplacement du mur représenté par Bonnard. crédit : Ville de Grassesource

La seconde partie du tableau pousse le spectateur à lever son regard vers la nature qui surplombe les personnages. Le ciel bleu, les arbres et les plantes exotiques rappellent, par leur position dans le tableau, le triomphe de la nature sur l’humain.

La promenade du cours, Source : « Grasse vintage »

Durant les années 1920, Bonnard s’intéresse de plus en plus au paysage. Son art est fondé sur l’observation. Ses notes quotidiennes sur le temps qu’il fait révèlent la relation obsessionnelle que l’artiste entretient avec le mouvement du climat et des saisons pour travailler la lumière de ses tableaux. Cette lumière si caractéristique, c’est le jaune de la palette de l’artiste qui la rend. Une couleur équivoque et ambivalente qui constitue d’ailleurs un monde en soi pour Bonnard. Saisi par les lumières du Sud lors de son premier séjour à Saint-Tropez en 1904, il écrit à sa mère : « J’ai eu un coup des Mille et Une Nuits : la mer, les murs jaunes, les reflets aussi colorés que la lumière ». Mais en réalité, le jaune entre dans l’œuvre du peintre dès les débuts de sa carrière. Jaune de cadmium, jaune safran, jaune d’or, jaune citron, jaune de Naples, jaune indien… Bonnard décline toutes les nuances de cette matière rayonnante et irradiante. Le jaune est pour lui la couleur qui réfléchit le plus la lumière et qui trouve donc sa place dans cette toile.

Dans cette Terrasse à Grasse, Bonnard parvient à restituer une lumière zénithale. Le soleil inonde la promenade représentée ici et le jaune, choisi pour ses capacités luminescentes, exprime la radiance et l’été. Il y est brûlant, exalté, saturé et suggère, bien sûr, la chaleur du soleil. C’est alors tout le Midi qui se dégage de cette œuvre.

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L’arbre dessiné

L’arbre dessiné est une exposition originale du Fonds Glénat pour le patrimoine et la création. Destinée au grand public (dès 7 ans) et à tous les afficionados du dessin et des arbres, elle propose un regard foisonnant sur la représentation figurative et narrative de l’arbre dans la bande dessinée francophone et contemporaine. C’est la première fois qu’une exposition du Fonds Glénat est centrée sur un élément graphique, plutôt que sur une œuvre, un artiste, un thème historique ou un genre.

Une exposition présentée du 12 octobre 2023 au 13 janvier 2024 au couvent Sainte-Cécile à Grenoble !

Portée par une affiche imaginée par Zep et présentée dans une scénographie conçue et réalisée – sous la direction de Philippe Liveneau et Maxime Belzunce – par les élèves du parcours de master 1 « Architecture, Ambiance et Culture Numérique » de l’ENSAG, l’École nationale supérieure d’architecture de Grenoble, l’exposition s’installe dans la magie du couvent Sainte-Cécile de Grenoble. Elle s’ouvre, dès l’entrée par la cour, sur une gigantesque canopée. L’exposition réunit ensuite plus de 130 planches originales et carnets de dessins de 25 autrices et auteurs de bande dessinée, principalement français mais aussi suisses, belges ou italiens. Exposées dans la chapelle comme dans le cloître du couvent, leurs œuvres dessinent un parcours extrêmement sensible des représentations de l’arbre dans la bande dessinée grâce à de nombreuses techniques : de l’aquarelle à la carte à gratter, en passant par l’encre de Chine, le pastel, les encres acryliques ou le seul crayon. Le public pourra ainsi apprécier l’usage narratif, poétique et presque constant de l’arbre dans les œuvres de Alfred, Charles Berberian, Alexandre Clérisse, Pascal Croci, Emmanuel Lepage, Lorenzo Mattotti, François Schuiten ou de Tom Tirabosco; mais aussi rire ou sourire des incroyables histoires d’arbres dans L’Ours Barnabé de Philippe Coudray; goûter aux arbres qu’Aude Picault ou Zep aiment autant rapporter dans leurs œuvres que dans leurs carnets d’observation ; plonger dans l’histoire de L’homme-arbre de Joann Sfar; voyager avec des lunettes 3D dans la jungle des aventures de Jim Curious de Matthias Picard; mesurer la force narrative de l’arbre dans les œuvres de Christophe Chabouté, Johann G. Louis, Gaétan Nocq ou Anne-Margot Ramstein ; ou encore, dans un registre similaire, se laisser emporter par les virtuoses et fascinants dessins d’arbres de François Boucq, Vincenzo Cucca, Régis Loisel, Vincent Mallié, Alexis Nesme, Thomas Ott, Daria Schmitt ou Béatrice Tillier.

Emmanuel Lepage, Un printemps à Tchernobyl, éditions Futuropolis, 2012, Planches originales des doubles-pages 134-135 de l’album, Encre de Chine et aquarelle sur papier. © E. Lepage

Le Fonds Glénat n’a pas résisté au plaisir de glisser dans l’exposition un clin d’œil à Sempé (1932-2022) qui sut, avec un talent inoubliable, interpréter majestueusement la figure de l’arbre dans ses dessins d’humour. Fidèle à sa volonté d’encouragement à la création et pour compléter son propos, le Fonds Génat a également demandé à 17 des autrices et auteurs exposés de se repré- senter en arbre. De manière réaliste ou mêlant les traits aux branches et aux racines, ces autoportraits sont des invitations à des rencontres aussi inédites que singulières.

Précisons enfin que l’exposition se complète, pour toutes et tous, d’un espace de lecture « arboricole » de plus de 100 ouvrages, d’une table de jeux de mémoire ainsi que, en écho à la commande des autoportraits en arbre des autrices et auteurs exposés, d’un atelier/concours de dessin invitant le public à se dessiner, lui aussi, en arbre.

L’exposition en bref :

  • 25 autrices et auteurs contemporains vivants, d’ici… et un peu d’ailleurs : Alfred (France, 1976)Charles Berberian (France, 1959) François Boucq (France, 1955) Christophe Chabouté (France, 1967) Alexandre Clérisse (France, 1980) Philippe Coudray (France, 1960) Pascal Croci (France, 1961) Vincenzo Cucca (Italie, 1977) Johann G. Louis (France, 1984) Emmanuel Lepage (France, 1966) Régis Loisel (France, 1951)Vincent Mallié (France, 1973) Lorenzo Mattotti (Italie, 1954) Alexis Nesme (France, 1974) Gaétan Nocq (France, 1968) Thomas Ott (Suisse, 1966) Matthias Picard (France, 1982) Aude Picault (France, 1979)Anne-Margot Ramstein (France, 1984) Daria Schmitt (France )François Schuiten (Belgique, 1956) Joann Sfar (France, 1971) Béatrice Tillier (France, 1972) Tom Tirabosco (Suisse, 1966) Zep (Suisse, 1967)
  • 1 hommage à Sempé (France, 1932-2022).
  • Plus de 130 œuvres originales de tous formats et de toutes techniques.
  • La présentation de 17 autoportraits en arbre, spécialement réalisés pour l’exposition par la plupart des autrices et auteurs exposés, soit : Alfred, Charles Berberian, Alexandre Clérisse, Philippe Coudray, Pascal Croci, Johann G. Louis, Emmanuel Lepage, Gaétan Nocq, Thomas Ott, Matthias Picard, Aude Picault, Anne-Margot Ramstein, François Schuiten, Daria Schmitt, Béatrice Tillier, Tom Tirabosco et Zep.
  • Une bibliothèque de plus de 100 ouvrages de bande dessinée autour de l’arbre.
Aude Picault, Planche originale n°89 d’Amalia, encre de chine © Aude Picault.

L’exposition L’arbre dessiné est présentée grâce au soutien et à l’accompagnement de la Caisse d’Épargne Rhône Alpes, des Papeteries de Vizille du groupe Vicat, d’Hachette livre, de l’Association filière formation de l’industrie papier carton, de France 3 Auvergne Rhône-Alpes, de France Bleu Isère, de M’Tag et du Téléphérique Grenoble Bastille.

  • Production : Fonds Glénat pour le patrimoine et la création
  • Commissariat : Philippe Duvanel
  • Scénographie : Maxime Belzunce et Vincent Hauzanneau, studio Silence avec la collaboration de l’École nationale supérieure d’architecture (ENSA) de Grenoble.



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Samuel Rousseau, Sans titre (L’arbre et son ombre), sculpture en bois avec vidéo-projection HD et modélisation 3D, 2014. H. 150 x L. 210 x P. 90 cm.

Cette sculpture, composée d’un tronc de châtaignier mort et d’une vidéo-projection des branches et des feuilles réalisée par Raphaël Bot-Gartner, évoque le cycle des saisons à travers la figure d’un arbre et de son ombre.

Artiste plasticien contemporain français, Samuel Rousseau exploite principalement la vidéo et les ressources de l’informatique dans ses moyens d’expression qui demeurent très variés. À travers ses œuvres, il questionne le monde, les médias mais également l’humanité.

Cette œuvre représente un cycle complet de la vie d’un arbre au fil des saisons. Sur le modèle des ombres portées, la vidéo décline les différentes phases de son développement jusqu’à sa mort : bourgeonnement, floraison, chute des feuilles, branches dépouillées. Ce cycle, projeté en boucle, comme les parcours accélérés de croissance des documentaires naturalistes, contient à la fois quelque chose d’intangible et de fragile. Malgré sa simplicité, cette projection est réglée au millimètre sur le véritable tronc de l’arbre. Le sentiment poétique qui se dégage de l’œuvre amène alors le spectateur à se questionner sur le cycle de sa propre vie. De sa naissance à sa mort, les questionnements autour de l’homme font alors s’entrecroiser virtuel et réel avant de proposer un nouveau regard et une renaissance.

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Rembrandt,  Le maître d’école dit aussi le joueur de vielle , eau-forte, état unique, 9,2 x 6,1 cm, 1641.

Cette eau-forte, réalisée par Rembrandt en 1641, représente un homme et une femme qui se tiennent à la porte d’une maison et semblent discuter, tandis qu’autour d’eux se trouve un attroupement d’enfants.

Le titre de la gravure, « Le maître d’école dit aussi le joueur de vielle », laisse à penser que l’homme est peut-être un enseignant. Pourtant, à la première observation, rien ne laisse présager que nous sommes en présence d’un maître d’école. En effet, le personnage porte cape, besace et chapeau et ressemble donc bien plus à un voyageur.

Dans l’iconographie populaire de l’école, il faudrait plutôt s’attendre à retrouver ces enfants dans une salle de classe avec bancs et pupitres, aux côtés d’un enseignant portant costume et baguette, pour pouvoir parler d’un véritable instituteur.

Or, rien de tout cela n’apparaît dans cette gravure qui nous plonge dans une autre réalité, celle des Provinces-Unies du XVIIe siècle. À cette époque, le succès des premières formes d’instruction primaire et populaire se confirme avec le développement de l’imprimerie et la diffusion massive de l’écrit. Les communautés rurales embauchent donc principalement des hommes laïcs, pour apprendre aux enfants à lire et à écrire. Mais la maigre rétribution fournie par les habitants ne permet pas de stabiliser cette profession et de nombreux maîtres quittent finalement leur emploi pour se déplacer de village en village, attirés par la promesse d’une situation meilleure. L’enseignant devient alors le voyageur qui a peut-être été représenté ici par Rembrandt.

La seconde partie du titre peut également laisser sous-entendre que cet homme est en réalité un joueur de vielle. Si l’instrument n’est pas directement visible, il semble que la profession de musicien, dans l’imaginaire social du XVIIe siècle, soit intimement liée au voyage. Profession ambulante, les musiciens participent en effet aux divertissements et aux événements de sociabilité en se rendant de village en village. La besace, portée par l’homme de cette gravure, pourrait donc être en réalité une vielle à roue et l’attroupement des enfants servirait à montrer la force d’attraction de la musique populaire.

Tout le mystère entourant l’identité du personnage principal provient en réalité du traitement de l’ombre et de la lumière choisi par Rembrandt, laissant ainsi place à de nombreuses interprétations.

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 Mascaron de fontaine avec coquille et dauphin, sculpture en marbre, 29 x 29 cm, Italie, XVIe siècle.

Taillée dans un bloc de marbre blanc, cette petite bouche de fontaine a dû autrefois servir à la décoration de la fontaine d’une demeure de la Renaissance. Elle représente un dauphin – dont le bec ouvert permet de faire jaillir l’eau – installé dans une coquille Saint-Jacques.

La coquille Saint-Jacques était associée à Vénus dans l’Antiquité, avant de se retrouver liée aux pèlerinages : c’est ce qui explique sa présence, sous diverses formes, dans de nombreux bâtiments. En ce qui concerne la symbolique du dauphin, le cétacé est présent dans l’iconographie depuis la Grèce antique. Il était généralement associé à l’élément « eau » avant de devenir un symbole héraldique faisant notamment référence au Dauphiné.

Plusieurs légendes se disputent d’ailleurs l’origine du nom de « Dauphiné ». La première raconte qu’il serait lié à un dauphin ayant remonté le Rhône et qui aurait été vu à Vienne. La deuxième qu’il viendrait du patois « Do Vienné », pour désigner Vienne, transformé par l’allemand en « Do Fienné » (phonétiquement proche de « dauphiné »). Enfin, la troisième légende explique que Vienne était une colonie de la ville de Delphes, en Grèce, et que de nombreux comtes auraient ainsi porté le prénom « Dauphin » ou « Delphin » (équivalent masculin du prénom Delphine), auquel ils auraient rajouté « de Viennois ».

Le Dauphiné dans ses limites du XVIIIe siècle et les communes et départements actuels. Carte d’après Carte et description générale de Dauphiné Avec les Confins des Païs et Provinces voisines de Jean de Beins, 1630. © Wikipédia.

D’après les historiens, le terme « Dauphin » serait apparu au XIe siècle avec Guigues IV, comte d’Albon (1095-1142) surnommé « le Dauphin », et serait devenu, au cours du siècle suivant, le nom par excellence des héritiers mâles de la maison d’Albon, décliné sous diverses formes : Delphinus, Dalphinus, Delphini. Ce serait au XIIIe siècle, sous le règne d’Humbert Ier, que le mot « delphinus » devient définitivement un titre, alors que le mot « delphinatus » s’impose comme un synonyme de « comitatus » (comté). Mais l’origine exacte du nom « Dauphin » reste encore non élucidée et peut laisser place à de nombreuses interprétations.

Si le dauphin et le coquillage ont d’abord une fonction ornementale, les attaches de la maison Glénat à la région du Dauphiné permettent également de rattacher symboliquement cette petite sculpture au territoire.

Le logo des éditions Glénat fait d’ailleurs référence au « G » de « Glénat » mais a également la forme d’un dauphin pour rappeler les origines dauphinoises de la maison d’édition.
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Guillaume Fouace, Melon et artichauts, huile sur toile, 81 x 109cm, 1884

Déjà cultivé en Mésopotamie 2 000 ans avant notre ère, le melon est introduit en Europe au ier siècle av. J.-C., d’abord en Grèce puis en Italie, avant que le cantaloup, variété sucrée du melon, ne soit cultivé en France à partir du xvie siècle. Il est même qualifié, deux siècles plus tard, de « boulet de lumière […], chef-d’œuvre de l’été » par Voltaire.

Claude Monet, Nature morte au melon, vers 1872, huile sur toile, 53 x 73 cm.
© Wikipédia.

Quant à l’artichaut, véritable légume-fleur par son inflorescence en capitule, il serait originaire d’Afrique du Nord. Au Moyen Âge, on lui aurait également attribué des pouvoirs aphrodisiaques, certainement en raison de sa forme. Une légende raconte que c’est Catherine de Médicis qui aurait introduit l’artichaut en France parce qu’elle adorait son goût !

Le melon et l’artichaut, deux sujets principaux de cette toile de Guillaume Fouace, sont relativement courants dans de nombreuses natures mortes du xixe siècle.

Pierre-Auguste Renoir, Artichauts et tomates, 1887, huile sur toile, 45,8 x 55,2 cm.
© Wikipédia.

Guillaume Fouace, né en 1837 en Normandie, est le fils de cultivateurs et de pêcheurs côtiers. En 1861, il reprend la ferme familiale à la mort de son père, mais sa passion pour le dessin le conduit à poursuivre ses études aux Beaux-Arts de Paris, ayant reçu deux bourses après avoir été repéré par Henry-François Bon, conservateur du musée de Cherbourg. Son attrait pour le réalisme et les natures mortes l’amène à être qualifié de « peintre paysan » par le dictionnaire Bénézit (dictionnaire de référence des peintres, sculpteurs-dessinateurs et graveurs) de 1911, ce qui ne l’empêche pas de réaliser également de nombreux portraits.

Melon et artichauts est une nature morte qui représente des fruits et légumes, ainsi que des ustensiles culinaires placés sur une table en bois brun. Ce type de représentation était généralement exposé dans les salles à manger de commanditaires privés afin de montrer leur opulence. Les pépins visibles au cœur du melon évoquent ainsi la fertilité et l’abondance.

Une lumière, provenant de la gauche du tableau, vient éclairer les principaux éléments de la composition. La technique du clair-obscur employée ici permet de mettre en place une véritable hiérarchie entre les éléments. En effet, la lumière fait briller la couleur orange vif de la chair du melon, situé au centre de la composition dans un plat de porcelaine orné de fleurs. La peau vert clair et irrégulière du gros fruit attire elle aussi le regard du spectateur vers le centre du tableau. Ce regard se dirige ensuite vers le seau d’artichauts qui, par sa matière, reflète également la lumière. Le vert du melon est toutefois plus chaud que le bleu-vert des artichauts, lesquels projettent une ombre difforme et presque surnaturelle sur le mur. Ce rapprochement fantastique pourrait faire référence à une superstition en vogue dans les milieux paysans au xixe siècle, selon laquelle manger un artichaut au nombre impair de feuilles pourrait apporter une semaine de malchance ! Le panier en osier est quant à lui à moitié plongé dans l’obscurité et ne reflète que très peu la lumière. Seuls les fruits rouges qu’il contient, bien que plus petits que les deux autres végétaux, sont teintés d’une couleur vibrante qui attire le regard du spectateur.

Le melon de ce tableau comporte de nombreuses caractéristiques similaires à un autre melon peint par Fouace, celui de sa Nature morte aux melons et aux bouteilles. Peut-être le peintre avait-il un intérêt particulier pour ce fruit ?

Guillaume Fouace, Nature morte aux melons et aux bouteilles. © Gazette Drouot.

Outre la richesse de l’homme, la composition recherchée et harmonieuse de Melon et artichauts célèbre la nature et sa beauté. Les cerises situées au premier plan en bas à droite sont disposées de façon hasardeuse (si bien que certaines d’entre elles sont isolées) sur une grande feuille fraîchement coupée, et non pas dans une coupelle. La nature est aussi indirectement représentée par les ornements floraux qui couvrent le plat en porcelaine et le sucrier. Sur le couvercle de ce dernier se trouve une boule dorée, dont l’éclat rappelle notamment les cerises qui se trouvent juste à côté.

Enfin, ces fruits ne sont pas voués à être dévorés par une seule et même personne, mais bien par un groupe d’amis ou par la famille du commanditaire, qui montre à travers cette représentation qu’il est celui qui prodigue aux autres de quoi subvenir à leurs besoins matériels. Le melon, en raison des stries qui couvrent sa peau le pré-découpant naturellement en tranches, était autrefois considéré comme le fruit fait pour être mangé en famille et partagé. Il en va de même pour l’artichaut, dont les feuilles jaillissant de son cœur peuvent représenter les membres d’une même famille ou d’une société vivant ensemble harmonieusement.

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Pierre Bonnard, Lac dans le Dauphiné, 21 x 40,5 cm, v. 1916.

Pierre Bonnard (1867-1947) passe de nombreux étés dans sa propriété familiale du Grand-Lemps, « Le Clos », où il retrouve sa mère, sa sœur Andrée, son beau-frère le compositeur Claude Terrasse et leurs cinq enfants.

Pierre Bonnard fumant la pipe dans le jardin du Grand-Lemps, v. 1906, Photo (C) RMN-Grand Palais (musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski

Dès les années 1887-1888, alors que Bonnard est âgé de 20 ans, et bien que citadin et parisien, il commence par peindre ces paysages baignés de la lumière du Dauphiné[1]. Les collines de cette campagne sauvage et solitaire, les champs aux abords de la maison ou encore les montagnes à l’horizon…

C’est dans cette terre de l’enfance que vont voir le jour de magistrales compositions décoratives aux lumières vaporeuses, illustrant à la fois l’intimité familiale et l’engagement de Bonnard auprès des peintres nabis, un mouvement artistique postimpressionniste. L’artiste se souviendra longtemps des premières sensations vécues dans ce paradis terrestre. La sensibilité du peintre, l’attention constante qu’il portera aux enfants tout comme son affection indéfectible pour les animaux naissent véritablement dans le Dauphiné. Bonnard n’aura de cesse de réinterpréter dans sa peinture l’éden isérois et le bonheur de vivre au Grand-Lemps.

Cette toile intitulée Lac dans le Dauphiné, frangée de végétation au premier plan, montre une subtile alliance de couleurs hardies, où le vert-jaune des prairies dialogue avec le ciel bleu légèrement teinté de rose et annonce déjà les accords audacieux de couleurs qui s’affranchiront plus tard des lois naturelles pour se soumettre à celles du tableau.

Comme l’écrit Antoine Terrasse, « ces petites toiles nous montrent les maisons du bourg et les châteaux des environs, Virieu, le lac de Paladru, les montagnes dans le lointain et le bec de l’Échaillon ; plus larges que hautes, elles font songer à Corot par le jeu des harmonies et des valeurs – cette perception très sensible, la notation très fine des ombres et des lumières[2] ».

Le sentiment de la nature, cette profonde empathie pour les paysages et la sensibilité aux variations atmosphériques de Bonnard prendront racine dans cette terre dauphinoise qui lui est chère.


[1] Petit Paysages du Dauphiné, v. 1888, huile sur toile, 21 x 26 cm, collection particulière, Fontainebleau.

[2] Antoine Terrasse, Pierre Bonnard, Paris, Gallimard, 1967 (reed. 1988), p. 15.

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Isidore Dagnan, Vue de Grenoble, huile sur toile, 50 x 65 cm, 1831

Originaire de Marseille, Isidore Dagnan suit l’enseignement de son maître Augustin Aubert (1781-1857) avant de se lancer dans une carrière itinérante. Si ses nombreux déplacements stimulent sa pratique picturale, ils développent également son goût pour le paysage urbain, dans la tradition des peintres du XVIIIe siècle et des védutistes. D’inspiration romaine, le premier tableau qu’Isidore Dagnan envoie au Salon de 1819 fait écho à un voyage en Italie tandis que ses participations suivantes évoquent des séjours à Fontainebleau, dans l’Ain, le Jura, la Loire ainsi qu’en Auvergne, en Bretagne, en Provence ou en Suisse. Ses pérégrinations le conduisent aussi à Lyon, où il observe le traitement de la lumière des paysagistes locaux. À cette époque, les peintres lyonnais et isérois, qui partagent le même intérêt pour le motif, se retrouvent régulièrement à Sassenage. C’est probablement à la suite de ces rencontres qu’Isidore Dagnan emménage à Grenoble dans le courant de l’année 1824.

Isidore Dagnan, Vue de Grenoble prise de l’Ile Verte, effet du soir, 1820, Musée de Grenoble. © Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix

Dans son atelier, Isidore Dagnan prodigue ses premiers conseils au jeune Jean Achard, donne des cours de perspective appliquée au paysage durant l’hiver et explore, dès le retour des beaux jours, les sites alentour. Dagnan projette également d’ouvrir une école de paysage à Grenoble en 1830 mais sa demande reste vaine, ce qui le convainc certainement de quitter Grenoble pour Paris.

Cette vue de Grenoble prise du côté de la Bastille et réalisée en 1831, montre à la fois l’activité urbaine et l’environnement naturel de la capitale des Alpes. La représentation de la chaîne de Belledonne, avec ses cimes enneigées en arrière-plan, est relativement éloignée de la réalité, et les éléments d’architecture grenobloise semblent simplement esquissés ce qui laisse à penser que ce tableau est, peut-être, une étude préparatoire.

Bien que le passage de Dagnan dans la capitale des Alpes soit de courte durée, il marque une transition importante dans son art et annonce une nouvelle vision dans la représentation picturale de la région alpine.

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Imagine tes montagnes (2e édition)

Lancé en décembre 2021, l’appel à projets Imagine tes montagnes, porté par 10 fonds et fondations montagne ( la Fondation Banque Populaire Auvergne-Rhône-Alpes, la Fondation Caisse d’Épargne Rhône-Alpes, le Fonds de dotation Enfance et Montagne, le Fonds de dotation Essentiem, la Fondation d’entreprise Glénat, la Fondation d’entreprise Petzl, la Fondation d’entreprise Poma, la Fondation d’entreprise Snowleader, la Fondation Montagne en Scène et la Fondation Université Grenoble Alpes) récompense des projets visant à favoriser l’engagement des jeunes autour de la protection de l’environnement montagne. Sensibilisation à la préservation des espaces naturels alpins ou actions directes et immédiates : les petits pas proposés dans le cadre de leur projet par les lauréats de la bourse ont l’ambition d’engager les enfants d’aujourd’hui dans l’éco-responsabilité en milieu alpin. 

Pour cette deuxième édition, une bourse de 27 000€ a été répartie entre cinq projets :

Premier prix

Association : Alpes-Là

Projet : Sauvons Lago ! Un escape game pour sensibiliser à l’impact de l’Homme en montagne.

Montant : 9 000 €

À destination des jeunes publics, ce jeu collaboratif contient six univers, dans lesquels les participants vont mettre en lumière les principales menaces environnementales avant de les déjouer. Le jeu sera proposé à environ 500 jeunes dans les Alpes entre avril et août 2023, grâce à une grande tournée à vélo organisée par Emmanuelle Callewaert, fondatrice du jeu.

Deuxième prix

Association : FOR MY PLANET – ACT FOR THE FUTURE 

Projet : Protect ice & reduce Waste 

Montant : 6 000 €

Ce projet est déployé dans trois collèges, où dix élèves issus de chaque établissement deviennent Sentinelles de l’environnement et mènent des actions éco-responsables durant l’année scolaire et dans leur propre collège, pour devenir de futurs citoyens engagés.  
En mai, les collégiens participeront à une expédition scientifique d’une semaine à Chamonix. Ils pourront ainsi, à leur tour, mener des conférences auprès de leurs camarades.

Troisième prix

Association : Association Névé 

Projet : Imagine ton glacier !

Montant : 4 500 €

Mené en lien avec l’institut médico-éducatif d’Eybens « La Clé de Sol », qui accueille des jeunes en situation de handicap, le projet vise à accompagner 25 jeunes de l’IME au plus proche du glacier de la Girose, sur la commune de La Grave. Ces deux jours en montagne leur permettront d’écrire un « Carnet Glacé », l’histoire d’un ancien glacier qui doit faire face au changement climatique.

Quatrième prix 

Association : Ma Chance Moi Aussi 

Projet : Grandir nature

Montant : 4 500 €

Ce projet a pour but de faire découvrir aux enfants d’Aix-les-Bains la nature environnante, les sensibiliser à la richesse et aux spécificités de l’environnement montagnard et les éduquer à la protection de l’environnement, en allant directement au contact des massifs environnants.

Cinquième prix

L’association Les Enfermés Dehors lauréate en 2022, a également obtenu une bourse de 3 000 € destinée à pérenniser son projet d’académie et de séjours itinérants en montagne à destination des jeunes des centres sociaux d’Albertville.

Félicitations aux lauréats !

© Serge Massé.
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Rembrandt, La chaumière au bord du canal dit aussi vue de Diemen, eau-forte et pointe sèche avec une morsure à la fleur de soufre, 14 x 20,7 cm, 1645, état unique

Imprégné de poésie, ce paysage surprend par la pureté de l’atmosphère et par la transparence de l’air glacial que Rembrandt arrive à suggérer.

Une chaumière, positionnée le long d’un chemin, se trouve au premier plan. Une femme, suivie d’un chien, s’y dirige. Derrière, on aperçoit un arbre dépourvu de feuilles.

À l’arrière-plan, à proximité d’un canal, une ville esquissée à la taille douce n’est pas identifiable avec certitude. Elle rappelle Diemen ou Ouderkerk.

Le grain délicat autour des arbres à gauche est caractéristique des premières impressions de la plaque, tandis qu’une brume semble envelopper la ville à l’arrière-plan. Pour obtenir ce rendu atmosphérique, Rembrandt utilise la fleur de soufre : une poudre qui, mélangée à l’huile, mord très légèrement la plaque, imitant ainsi la brume ou l’épaisseur des nuages.

Le groupement de chaumières, alignées en diagonale le long du canal, est l’un des motifs les plus courants dans les paysages gravés de l’artiste. Il introduit le spectateur dans l’image, pour lui permettre d’observer ensuite tout la richesse des détails que Rembrandt glisse à l’intérieur.