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Guillaume Fouace, Melon et artichauts, huile sur toile, 81 x 109cm, 1884

Déjà cultivé en Mésopotamie 2 000 ans avant notre ère, le melon est introduit en Europe au ier siècle av. J.-C., d’abord en Grèce puis en Italie, avant que le cantaloup, variété sucrée du melon, ne soit cultivé en France à partir du xvie siècle. Il est même qualifié, deux siècles plus tard, de « boulet de lumière […], chef-d’œuvre de l’été » par Voltaire.

Claude Monet, Nature morte au melon, vers 1872, huile sur toile, 53 x 73 cm.
© Wikipédia.

Quant à l’artichaut, véritable légume-fleur par son inflorescence en capitule, il serait originaire d’Afrique du Nord. Au Moyen Âge, on lui aurait également attribué des pouvoirs aphrodisiaques, certainement en raison de sa forme. Une légende raconte que c’est Catherine de Médicis qui aurait introduit l’artichaut en France parce qu’elle adorait son goût !

Le melon et l’artichaut, deux sujets principaux de cette toile de Guillaume Fouace, sont relativement courants dans de nombreuses natures mortes du xixe siècle.

Pierre-Auguste Renoir, Artichauts et tomates, 1887, huile sur toile, 45,8 x 55,2 cm.
© Wikipédia.

Guillaume Fouace, né en 1837 en Normandie, est le fils de cultivateurs et de pêcheurs côtiers. En 1861, il reprend la ferme familiale à la mort de son père, mais sa passion pour le dessin le conduit à poursuivre ses études aux Beaux-Arts de Paris, ayant reçu deux bourses après avoir été repéré par Henry-François Bon, conservateur du musée de Cherbourg. Son attrait pour le réalisme et les natures mortes l’amène à être qualifié de « peintre paysan » par le dictionnaire Bénézit (dictionnaire de référence des peintres, sculpteurs-dessinateurs et graveurs) de 1911, ce qui ne l’empêche pas de réaliser également de nombreux portraits.

Melon et artichauts est une nature morte qui représente des fruits et légumes, ainsi que des ustensiles culinaires placés sur une table en bois brun. Ce type de représentation était généralement exposé dans les salles à manger de commanditaires privés afin de montrer leur opulence. Les pépins visibles au cœur du melon évoquent ainsi la fertilité et l’abondance.

Une lumière, provenant de la gauche du tableau, vient éclairer les principaux éléments de la composition. La technique du clair-obscur employée ici permet de mettre en place une véritable hiérarchie entre les éléments. En effet, la lumière fait briller la couleur orange vif de la chair du melon, situé au centre de la composition dans un plat de porcelaine orné de fleurs. La peau vert clair et irrégulière du gros fruit attire elle aussi le regard du spectateur vers le centre du tableau. Ce regard se dirige ensuite vers le seau d’artichauts qui, par sa matière, reflète également la lumière. Le vert du melon est toutefois plus chaud que le bleu-vert des artichauts, lesquels projettent une ombre difforme et presque surnaturelle sur le mur. Ce rapprochement fantastique pourrait faire référence à une superstition en vogue dans les milieux paysans au xixe siècle, selon laquelle manger un artichaut au nombre impair de feuilles pourrait apporter une semaine de malchance ! Le panier en osier est quant à lui à moitié plongé dans l’obscurité et ne reflète que très peu la lumière. Seuls les fruits rouges qu’il contient, bien que plus petits que les deux autres végétaux, sont teintés d’une couleur vibrante qui attire le regard du spectateur.

Le melon de ce tableau comporte de nombreuses caractéristiques similaires à un autre melon peint par Fouace, celui de sa Nature morte aux melons et aux bouteilles. Peut-être le peintre avait-il un intérêt particulier pour ce fruit ?

Guillaume Fouace, Nature morte aux melons et aux bouteilles. © Gazette Drouot.

Outre la richesse de l’homme, la composition recherchée et harmonieuse de Melon et artichauts célèbre la nature et sa beauté. Les cerises situées au premier plan en bas à droite sont disposées de façon hasardeuse (si bien que certaines d’entre elles sont isolées) sur une grande feuille fraîchement coupée, et non pas dans une coupelle. La nature est aussi indirectement représentée par les ornements floraux qui couvrent le plat en porcelaine et le sucrier. Sur le couvercle de ce dernier se trouve une boule dorée, dont l’éclat rappelle notamment les cerises qui se trouvent juste à côté.

Enfin, ces fruits ne sont pas voués à être dévorés par une seule et même personne, mais bien par un groupe d’amis ou par la famille du commanditaire, qui montre à travers cette représentation qu’il est celui qui prodigue aux autres de quoi subvenir à leurs besoins matériels. Le melon, en raison des stries qui couvrent sa peau le pré-découpant naturellement en tranches, était autrefois considéré comme le fruit fait pour être mangé en famille et partagé. Il en va de même pour l’artichaut, dont les feuilles jaillissant de son cœur peuvent représenter les membres d’une même famille ou d’une société vivant ensemble harmonieusement.