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Pierre Bonnard,Terrasse à Grasse, huile sur toile, 68 x 73 cm, 1925.

Pierre Bonnard (1867-1947) découvre la lumière du Midi et plus particulièrement celle de la Côte d’Azur en 1904, en compagnie des peintres Édouard Vuillard et Charles Roussel. Il rencontre alors Paul Signac et Louis Valtat à Saint-Tropez. Si le Sud ne fut pas d’emblée son « pays d’élection », l’artiste y retournera régulièrement, louant des villas à Grasse, Saint-Tropez, Antibes et Cannes avant d’acheter, en 1926, une petite maison sur les hauteurs du Cannet avec une belle vue sur la Méditerranée.

Dans cette toile réalisée en 1925, Bonnard représente la terrasse du Cours, haut lieu de promenade situé à Grasse et aménagé entre le XVIIIe et le XIXe siècle. Le tableau est divisé en deux parties. La première, située sur la partie basse de l’œuvre, présente une route sur laquelle marchent trois personnages : un couple et une femme seule. Les passants traversent le tableau sans se soucier de l’artiste qui décide de les représenter encadrés par un mur jaune en arrière plan, telle une scène du théâtre de la vie. Ce mur a aujourd’hui été remplacé par un parking.

Photo aérienne du parking à l’emplacement du mur représenté par Bonnard. crédit : Ville de Grassesource

La seconde partie du tableau pousse le spectateur à lever son regard vers la nature qui surplombe les personnages. Le ciel bleu, les arbres et les plantes exotiques rappellent, par leur position dans le tableau, le triomphe de la nature sur l’humain.

La promenade du cours, Source : « Grasse vintage »

Durant les années 1920, Bonnard s’intéresse de plus en plus au paysage. Son art est fondé sur l’observation. Ses notes quotidiennes sur le temps qu’il fait révèlent la relation obsessionnelle que l’artiste entretient avec le mouvement du climat et des saisons pour travailler la lumière de ses tableaux. Cette lumière si caractéristique, c’est le jaune de la palette de l’artiste qui la rend. Une couleur équivoque et ambivalente qui constitue d’ailleurs un monde en soi pour Bonnard. Saisi par les lumières du Sud lors de son premier séjour à Saint-Tropez en 1904, il écrit à sa mère : « J’ai eu un coup des Mille et Une Nuits : la mer, les murs jaunes, les reflets aussi colorés que la lumière ». Mais en réalité, le jaune entre dans l’œuvre du peintre dès les débuts de sa carrière. Jaune de cadmium, jaune safran, jaune d’or, jaune citron, jaune de Naples, jaune indien… Bonnard décline toutes les nuances de cette matière rayonnante et irradiante. Le jaune est pour lui la couleur qui réfléchit le plus la lumière et qui trouve donc sa place dans cette toile.

Dans cette Terrasse à Grasse, Bonnard parvient à restituer une lumière zénithale. Le soleil inonde la promenade représentée ici et le jaune, choisi pour ses capacités luminescentes, exprime la radiance et l’été. Il y est brûlant, exalté, saturé et suggère, bien sûr, la chaleur du soleil. C’est alors tout le Midi qui se dégage de cette œuvre.