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Pierre Bonnard, La Charmille, huile sur carton marouflé sur panneau, 27,8 x 36,2 cm, 1901.

Surnommé par Félix Fénéon « le Nabi très japonard », Pierre Bonnard vit comme une véritable révélation la célèbre exposition de gravures japonaises organisée par Siegfried Bing à l’École nationale des beaux-arts de Paris, en 1890. Aussitôt, il se met à acquérir des estampes japonaises qui deviendront (avec la photographie, qu’il pratique avec passion) une source d’inspiration capitale pour ses tableaux et notamment pour La Charmille, qu’il peint en 1901.

Dans son écrin de verdure, la charmille, qui donne son nom au tableau et qui n’est pas sans faire écho à La Cueillette, peinte simultanément par Édouard Vuillard, Bonnard livre à notre curiosité deux figures féminines qui se font face. Il s’agit probablement de membres de la famille du peintre, surpris à converser dans un jardin bordé, sur sa droite, par une allée gravillonnée. Ces silhouettes, que l’on devine à peine, sont vêtues d’une même longue robe gris perle, ceinturée à la taille à la manière d’un kimono privé de tout volume, tandis qu’elles-mêmes semblent flotter dans un espace affranchi des contraintes traditionnelles de la perspective centrale.

Edouard Vuillard, La cueillette, 1899, huile sur panneau, 58 x 85 cm, collection privée.

L’absence de profondeur du champ pictural, à la manière d’un petit monde se suffisant à lui-même, et le rejet de la plasticité des corps ne sont pas les seules caractéristiques de La Charmille à mettre au crédit du japonisme de Bonnard. Il y a aussi la hardiesse de sa palette : un camaïeu de verts qui tire sa luminosité d’ajouts ocre et blancs, et qui permet au peintre d’« exprimer toutes choses sans besoin de relief ou de modelé ». Bonnard ajoute : « Il m’apparut qu’il était possible de traduire lumière, formes et caractère rien qu’avec la couleur, sans faire appel aux valeurs. » Autant d’éléments qui font de La Charmille le point d’orgue de la partition japoniste composée par Bonnard dès Crépuscule en 1892 (musée d’Orsay), et qui ne manquèrent pas de retenir l’attention de l’un de ses augustes propriétaires, Georges Bemberg, le plus grand collectionneur d’œuvres de Bonnard de son temps.

Pierre Bonnard, Crépuscule, 1892, huile sur toile, 130,5 x 162,2 cm. © RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Adrien Didierjean